EGLISE SAINT AUBIN DE DOUDEAUVILLE-EN-VEXIN                                                                                                                                                                    L'IHS de Doudeauville


Blochet sans tête ... mais avec texte!

NOTICE SE RAPPORTANT AU BLOCHET CENTRAL DU CHŒUR                                                                                                                                                au DROIT DU RETABLE


 

 


L'église Saint Aubin de Doudeauville en Vexin est peuplée de nombreux personnages sculptés dans les blochets de la charpente.

Evangélistes, apôtres, clercs d’église, orants ou prophètes, ils rythment la voûte lambrissée. Ce blochet est le seul qui ait été amputé, nous privant de la partie supérieure du personnage.
Un creusement de la cerce qui le surmonte, équipé d'un clou-crochet, ainsi que deux points d'attache et deux à-plats taillés dans la sablière inférieure, font penser qu'une grande structure a été suspendue là, obligeant à raccourcir la sculpture. Tableau ou retable, la trace de cet élément n'a pas encore été retrouvée dans les archives se rapportant à l'église .... ni la tête de ce personnage.

ce qu'il reste de ce blochet n'est toutefois pas inintéressant et fait regretter d'autant plus la perte de sa tête.

 

 

 

EXTRAITS DU RAPPORT D’ETUDE
DE L’ATELIER MERIGUET CARRERE  - MARS 2020

 

Rapport de sondage : « La couche picturale a presque disparu dans son intégralité. La tête est manquante. La tablette présente des lettres noires »

Rapport détaillé : « Cette sculpture en bois se situant dans la voûte du chœur de l’église et dont il ne reste que la partie inférieure présente une tablette tenue par deux mains en relief.

Des vestiges de pigments noirs ont été retrouvés comme on peut le voir sur la photo ci-contre. Il semblerait que deux décors de la même période se superposent l’un sur l’autre. Cet état le rend peu lisible.

Une restitution est envisageable car les traces sont assez importantes pour reprendre les motifs.

En revanche, il faudrait faire un choix quant à la couche picturale retenue dans la stratigraphie comme modèle pour la restitution finale. »

 

 

 

 

 

 

 

 

Parti de restauration

Après discussions entre Pierre Bortolussi, l'architecte (ACMH-IGMH) en charge de la restauration) et le peintre décorateur Métin Aslanhan, de l’Atelier Mériguet Carrère, il a été convenu de laisser la trace de deux décors, tout en renforçant le motif le plus récent. Le fond est donc laissé tel quel.

Les mains sont repeintes couleur "chair" et l'habit est traité dans un glacis léger, rehaussant simplement la couleur du bois.

 

Les clichés pris avant le dégagement des badigeons détaillent un petit personnage tenant dans ses mains une plaque en forme d'écu.

Il semble porter une tunique ou un manteau ample, à grandes manches, et ses mains sont finement sculptées, montrant précisément les articulations et les ongles.

Les deux derniers doigts de sa main gauche sont repliés dernière l'écu.

Quelques traces de pigments augurent d'un probable décor sur cette plaque.

Armoiries ? Permettant de retrouver l'un des donateurs de cette partie de l'église ?

Le dégagement des badigeons réservait une jolie surprise !

 

 

 

 

 

 

 

Cliché Atelier Mériguet Carrère

 

 

 

Deux « IHS » superposés

 

Cet autre cliché, pris sous une autre lumière,

rend la lecture encore plus aisée.

 

Une première inscription, pâlie, est

I H S – le H surmonté d’une croix pattée.

 

Par-dessus :

Une seconde inscription, comportant les mêmes lettres, cette fois en lettres gothiques minuscules,

la croix formant la barre verticale du h.

Les trois lettres sont pattées. Elles comportent un petit décor central, deux pour le S.

3 clous sont situés dans la partie basse,

disposés en éventail.

 

 

Ces modèles sont courants à cette époque, ce que nous développerons plus loin.

 

 

 

 



Signification de IHS

Le monogramme grec IHΣ reprend les trois premières lettres de Jésus (ΙΗΣΟΥΣ). Il fait partie des plus anciens symboles chrétiens. Lorsque le latin devint la langue la plus parlée dans l’Eglise, le monogramme grec a donné en latin IHS.

 

IHS représente donc la translitération latine des 3 premières lettres grecques du nom de Jésus. Mais il est devenu aussi un acronyme aux diverses interprétations comme :

· En grec ΙΗΣΟΥΣ ΗΜΕΤΕΡΟΣ ΣΩΤΗΡ : Jésus notre Sauveur

· En latin Jesus Hominum Salvator : Jésus, Sauveur des hommes

 

IHS du monogramme au symbole

IHS est donc une abréviation en trois parties du nom de Jésus, dans laquelle le I et le H sont les premières et le S la dernière lettre du nom écrit en grec IH-SOUS. Le H est la lettre grecque ETA et se prononce E, ce qui est important pour identifier les lettres du monogramme. Souvent un petit trait horizontal surmonte les trois lettres indiquant qu’il s’agit bien d’une abréviation. Plus tard la lettre centrale deviendra même une croix.

 

On comprend facilement que la ligne verticale du “h” en traversant le petit trait horizontal indiquant qu’il s’agissait d’une abréviation s’est bien vite transformée en forme de croix. L’habitude a continué à s’imposer lorsque l'on écrivit l’abréviation en lettres minuscules.

 

Dans le nord de la France on écrivait le monogramme en lettres gothiques minuscules “ihs”.  A la fin du moyen-âge la dévotion au nom de Jésus a élargi l’usage de l’abréviation bien au-delà du modèle pour la confection des hosties et IHS est devenu un symbole.

 

IHS devint la caractéristique iconographique de Saint Vincent Ferrier (dominicain mort en 1419) et de Saint Bernardin de Sienne (franciscain mort en 1444). Ce dernier, missionnaire franciscain, à la fin de ses sermons, avait l'habitude d'exposer ce monogramme avec dévotion à son auditoire.

Saint Ignace de Loyola, le fondateur des jésuites a adopté le monogramme dans son sceau comme général de la Compagnie de Jésus (1541), et ainsi il devint l'emblème de l’ordre Jésuite.

 

Dans l’usage qu’en fait Saint Ignace un autre élément est venu s’ajouter. En effet dans l’espace circulaire qui entoure le monogramme et la croix, le bas de l’ensemble restait vide aux yeux d’un observateur attentif à la beauté des lignes. Saint Ignace y était très sensible et inventa de remplir cet espace par des signes symboliques.

 

Pour le sceau de la Compagnie il choisit la demi-lune, flanquée de deux étoiles. Le symbolisme en est clair. Par rapport au Christ, Notre-Dame est la lune et les étoiles sont les saints. En général sous les trois lettres IHS se trouve un symbole marial.

 

 

Par exemple, sous le blason de la première page de la première édition latine des Exercices Spirituels, se trouve un lys stylisé, symbole indubitable de la Vierge.

 

 

Le fait que finalement dans le sceau de la Compagnie de Jésus on ait inséré les trois clous de la croix, pour en faire le sceau définitif a lui aussi une histoire. Souvent les trois clous évoquent un cœur transpercé. On pense au cœur de Marie, qui fait sienne la Passion de Jésus. Par la suite on s’est contenté des clous sans le cœur.

 

Dans la chapelle palatine impériale de Constantinople on vénérait d’abord les quatre clous de la crucifixion. Vers la fin du XIIe siècle pour la première fois dans les crucifix d’Allemagne méridionale, sans doute sous l’influence du Saint-Suaire vénéré à Turin et sur lequel les deux pieds du crucifié sont fixés par un seul clou, on se limite à représenter trois clous, comme depuis le XIIIe siècle, on le note dans tout l’Occident. Depuis le temps de saint François d’Assise les vœux de religion sont au nombre classique de trois: pauvreté, chasteté, obéissance.

On en conclut que les trois clous du sceau de la Compagnie sont considérés comme l’expression des trois vœux. Le disciple de Jésus, qui veut suivre son Seigneur crucifié, se laisse clouer à la croix par les trois vœux.

 

IHS aujourd’hui

IHS reste l’un des symboles chrétiens les plus utilisés.

 

Ci-dessous, de gauche à droite : Les armoiries du Pape François (Jésuite). Les armoiries de la ville de Genève et le logo de l’Eglise protestante de Genève  qui reprennent la forme grecque, avec le trait ondulé au-dessus des lettres, qui indique qu’il s’agit bien d’une abréviation.


Sources : Wikipédia  -  https://dlam.fr (Dis-le au monde)  -  https://www.jesuites.com/

Mai 2020