EGLISE SAINT AUBIN DE DOUDEAUVILLE-EN-VEXIN     -    GENERALITES                                                    


Histoire et Saint Patron

 

L’église actuelle, bâtie de 1520 à 1564 (voir gravure sur le portail occidental, sous le porche) remplace l’édifice beaucoup plus ancien qui fut donné aux moniales de l’abbaye de Fontaine Guérard en 1198 par Guérit de Vitrencourt. Ce patronage dura jusqu’à la seconde moitié du XVII°, lorsque les religieuses vendirent partiellement et louèrent ce fief à Guillaume de La Gandille (1662).

 

Saint Aubin, évêque d’Angers (VI°) – instigateur du Concile d’Orléans réuni pour réformer la vie dissolue des monarques mérovingiens. Thaumaturge, Saint Aubin guérissait plus particulièrement les aveugles. Un enclos situé en contrebas de l’église renferme une source et un oratoire qui donnaient lieu à un pèlerinage le 1er mars (voir la bannière située dans le chœur).De nombreux graffitis de pèlerinage (calvaires entre autres) ont d’ailleurs été gravés sur les murs extérieurs de l’église. Certains ont encore la trace de clous votifs. On remarque également 2 dates : 1556 (contrefort Est de la sacristie) et 1661 (contrefort NE du chevet).

 

 

Architecture 

 

Inspirée d’Ecouis (construite par Enguerrand de Marigny de 1310 à 1313, première église à voûte lambrissée de cette partie du Vexin), l’église est de plan cruciforme et s’intègre dans le style des églises rurales de cette époque de reconstruction suite aux destructions liées à la Guerre de 100 ans. L’appareil est composé d’un solin de grès surmonté d’assises de silex et de pierres, le croisillon nord y ajoutant des assises de briques. Les murs sont épaulés par des contreforts de pierre mêlées (grés et calcaire de Vernon ou de Saint Maximin). Le clocher octogonal en bois était décrit comme l’un des plus effilé de la région mais il semble que les différentes reconstructions l’aient quelque peu raccourci.

 

La sacristie est surmontée d’une croisée d’ogive d’une grande pureté, ornée d’un médaillon finement sculpté (un ange entouré d’une couronne de feuilles d'acanthe, fruits, céréales, légumes).

Le style est encore gothique et homogène avec cependant quelques apports Renaissance aux croisées.

 

Le porche d’entrée présente une simple mais élégante charpente, identique à celle de la nef mais sans lambris. Remarquer les sablières sculptées d’un drapé typiquement Renaissance. L’entrait, poutre transversale,  est également finement décoré d’une rangée de « perles » … mais, regardez à gauche, et vous verrez une queue de poisson ( ?) et à droite, et vous remarquerez une tête de monstre ( ?) qui semble avaler le tout. Serpent de la tentation ?

 

L'unité de l'ensemble, qui se retrouve à l'intérieur, démontre que les différents chantiers qui se sont succédés au 16°s ont tenu a préserver une harmonie. Restée pratiquement intacte depuis un demi-siècle, l'église a été épargnée par les transformations architecturales du 19°s qui a cependant apporté l'édifice des vitraux et du mobilier.

L'église est donc un témoin rare de l'architecture rurale du 16°s et de l'influence de la Renaissance en Vexin Normand.

Elle fait partie des "petites sœurs du Vexin", recensées par France Poulain (Architecte en Cheffe des Bâtiments de France) dans l'ouvrage collectif qu'elle dirigea en 2015  "Les églises de l'Eure à l'épreuve du temps" - Edition les Etoiles du patrimoine.

 

A l’intérieur

 

La charpente et la voûte lambrissée sont remarquables. La description qu’en a fait M. L. Regnier en 1912 a permis le classement de l’église en 1914. Aucun poinçon (poutre) ne relie le faîte aux entraits ce qui permet un magnifique effet de volume. Les poutres transversales (entraits) sont décorées de rageurs, ou engoulents et d’écus armoriés qui sont ceux des familles possédant les différents fiefs du village (Fours, Mauviel, La Gandille, entre autres) Au faîte, des petits culs de lampe. Au carré du transept, 4 arbalétriers finement sculptés se rejoignent sous un médaillon représentant Dieu le Père bénissant. A leur base, le tétramorphe des 4 évangélistes (Ange : Mathieu, Lion : Marc, Aigle : Jean, Taureau : Luc). Surmontant les murs, les sablières, moulurées de style gothique, sont rythmées par des blochets représentant des bustes d’apôtres ou de petits personnages souriants ornés d’un phylactère (bande de tissu supportant une inscription à l’origine). Au-dessus de ces sablières, un magnifique ensemble de panneaux Renaissance, de style Henri II, sont séparés par des pilastres. Il convient de s’attarder sur ces panneaux de chêne, sculptés d’un seul jet, et qui abritent une foison de personnages ou animaux fantastiques.

La restauration de cette voûte, qui a fait l'objet d'un "repeint" à l'identique, permet aujourd'hui d'admirer tous ces détails et de percevoir la volonté des financeurs de réaliser une œuvre colorée et flamboyante. 

Pour la petite histoire : Jusqu'en 2015, l'ensemble de la voûte avait été recouvert d'une succession de badigeons gris "ton pierre" ! Seules les merrains, petites plaquettes  formant le lambris, qui avaient toutes été changées - les dernières dans les années 50) étaient restées vierges de toute peinture. Les études de Joël Marie en 2011 et 2014 ont permis de décider les services de l'Etat de  procéder à une restauration de à l'identique.  Les traces, mêmes infimes et nichée dans les recoins des sculptures, laissaient en effet voir les teintes initiales. La découverte d'une dizaine de merrains d'origine ont révélé le décor au pochoir qui parsemait le fond de la voûte, entièrement jaune d'or.

 


 

 

Remarquer aussi les traces d’une litre funéraire peinte au XVII° par Catherine de Clère au décès de son époux Guillaume de la Gandille (1661). Il reste des traces de la croix de St André qui figure sur les armes de cette famille : « d’argent au sautoir de gueules chargé de 5 besants d’or et d’une molette de sable en chef » que l’on devine sur les parois, notamment dans le renfoncement du premier et du second vitrail de la nef, côté Sud, entourées d’arabesques. Quelques traces de cette litre sont également visibles à l’extérieur, notamment sur la baie Sud du chœur, entre le croisillon et la sacristie. Quelques traces de l’habillage primitif des murs (fausses pierres à double trait rouges) se remarquent également au-dessus de la chaire. Ainsi que quelques portion de bandes rouges.

 

Les armes des La Gandille ont été remises en couleur sur la poutre du croisillon Nord du Transept.

 

 

 

 

 

 

Une croix de consécration a également été dégagée à gauche de la petite porte, dans le transept Sud.

 

Les traces des 11 autres sont à rechercher.

 

Statuaire – Mobilier

 

Les fonts baptismaux, en calcaire taillé, peint en faux marbre sont datés de la première moitié du XVI°s, comme le bâtiment.

Du XV° est la statue d’un saint évêque bénissant, croisillon Sud, possiblement St Aubin.

Du XVI°: Sainte Catherine, vierge martyre, couronnée car fille de roi, elle a le pied posé sur la tête de l’empereur Maximien son persécuteur. Savante, ayant convaincu les plus grands docteurs, elle tient un livre. Martyre, elle est adossée à la roue brisée de son premier supplice et tient l’épée de sa décollation.

Sainte Marguerite sortant du dragon, originaire d’Antioche et très populaire au Moyen Age, cette martyre reçut une véritable existence historique grâce à Jeanne d’Arc. On l’invoque pour soigner les maux de rein et les accouchements. Une statue très curieuse de cette sainte se trouve également à Ecouis.

Une Vierge de douleurs.

Du XVII°: Le Christ en croix polychrome,

La vierge à l’enfant située dans le croisillon Nord. (ci-contre)

Sainte Véronique (venant probablement de la chapelle démolie qui se situait en contrebas), reconnaissable au tissu qui garda l’empreinte du visage du Christ.  Noter que le visage est en relief sur le linge.

Le retable, derrière l’autel du chœur est daté « Anno 1688 ». Il est en bois peint, sculpté d’un décor végétal, de gerbes de fleurs et de grappes de raisins. Des pommes de pins le surmontent. L’autel lui-même est du XVIII°s. IL était probablement polychrome à l'origine mais a été peint en brun et verni pour s'adapter à la "Contre Réforme".

 

Ne pas laisser de côté le lutrin à aigle doré du XVIII°.

 

Remarquez un tableau de la Vierge à l’enfant, accompagnée de St Jean Baptiste.

Interprétation du tableau réalisé par Annibal Carracci au XVI°s.

 

Restauré par l'association, ce tableau date de la seconde moitié du XIX°s. Non signé, il différe de son modèle notamment par les visages qui, à cette époque, étaient souvent ceux des proches du peintre.

 

Restauré par l'Atelier Barrault en 2019.

 

Vitraux

 

Datant pour la plupart du XIX°, les vitraux se classent sous 4 ensembles :

 

-    - Le long de la Nef et du Chœur : dessin de rinceaux, la partie supérieure représentant un personnage (apôtre ou saint)

 

-   -  Côté Ouest des 2 croisillons : 4 Pères de l’église : St Grégoire, St Jérôme (Hiéronimus), St Ambroise et St Augustin

 

-   -  Côté Est du croisillon Nord : vitrail de la vierge. Son pendant ( ?), côté Sud, a disparu et a été remplacé par un vitrail neuf en 1987, en même temps qu’a été entreprise la restauration des vitraux (voir mention sur le vitrail de Saint Aubin, dans le chœur, en bas à gauche).

 

-  -   Les deux grandes baies des croisillons comportent uniquement un dessin géométrique, celui du Nord datant de 1987.

Remerciements à Agnès Vermersch qui a su attirer mon regard sur la beauté de cette église et m’aider à démarrer une association en vue de sa sauvegarde.

Sources : Archives départementales, recueillies et photographiées par Ghislaine Weber  – Description de l’église datée de 1883 - Description de l’église par L Regnier en 1912 – Remarques et informations recueillies auprès des spécialistes qui se sont penchés sur le monument (M. Brabant, M. Bortolussi, M. Marie, Mme Leprince) – Photos et recherches personnelles

 

Caroline Hennel d’Espeuille   -  Octobre 2014/Août 2023